L’éducation interculturelle: la face cachée de notre système éducatif
Por Khalil Mgharfaoui
(publicado en el diario Libération del 2 de junio 1999)
Est-ce une information que de rappeler qu’une «commission spéciale éducation-formation» pour la réforme de l’enseignement s’est constituée dernièrement? Peut-être pas, mais peut-être seulement Quand on sait que les problèmes de l’éducation intéressent toute la société, on ne peut que s’étonner qu’une question aussi importante soit reléguée au rang de considérations techniques relevant du ressort des spécialistes. Ailleurs ces questions sont dites d’intérêt national et font l’objet d’un débat public. Cependant, on ne peut réellement blâmer les gens de ne pas être au courant de ce qui se décide au niveau de l’éducation nationale quand la majorité des enseignants ignore ce qu’ils seront amenés demain à pratiquer comme pédagogie. Ils attendent, avec plus ou moins d’appréhension, une réforme qu’ils devront dans tous les cas subir puisqu’ils ne l’ont pas accompagné.
La particularité de cette commission est d’être plurielle. Cette pluralité se lit dans le nombre important des personnes qui la constitue, dans la diversité de leur centre d’intérêt, leur formation, leur conviction politique et philosophique (parfois très contradictoires). Cette pluralité est aussi dans sa conception de l’élaboration d’un projet idéal (tant qu’à faire) pour l’enseignement : chercher les modèles et non plus le modèle. En effet, les membres de cette commission ont pris leur bâton de pèlerin pour visiter différents pays et différents systèmes. On peut supposer que c’est pour retenir le meilleur de chaque système. Mais on ne peut butiner dans le champ des systèmes éducatifs et espérer revenir avec le nectar voué à se transformer dans la ruche en miel succulent. On oublie un peu hâtivement qu’un système n’est plus dès qu’on le décompose. Considérer comme des aspects techniques la généralisation, l’enseignement dans les campagnes ou la formation continue est discutable. Le fond culturel n’est en effet jamais loin. Peut-être est-ce justement le défi que se sont lancés les membres de la commission et on ne peut que leur souhaiter bonne chance. Toujours est-il que cette démarche est intéressante dans la mesure où elle dénote une conception pluraliste de l’éducation. Une pluralité qu’il n’est plus besoin de justifier dans un monde de plus en plus intégré.
Ayant cherché l’inspiration dans la pluralité, il faut espérer que la commission restera plurielle dans sa vision et ses conclusions. Ce serait le comble que d’appauvrir cette richesse par une vision où le spécifique (légitime) devient prétexte au singulier exclusif.
N’avons-nous pas justement besoin d’une éducation multiculturelle qui nous ouvre les portes du monde sans pour autant perdre notre identité ? Ne sommes-nous pas, dans ce monde où les frontières ressemblent chaque jour qui passe aux rampants d’une de nos vieilles cités, obligés de concevoir une éducation multiculturelle ou interculturelle ?
Une éducation interculturelle au Maroc ?
Parce que l’éducation interculturelle a vu le jour en Occident pour des raisons précises (pluralité culturelle des sociétés occidentales), il est légitime de se demander si un tel concept est valable pour les pays du tiers-monde. Deux raisons doivent être pour cela remplies.
– Il faut que l’école dans ces pays soit confrontée à un problème sinon semblable du moins entrant dans le cadre de la problématique de l’échec (dans le sens large du terme).
– Il faut ensuite que les raisons de cet échec soient d’ordre socioculturel. En un mot, il faut que la société soit multiculturelle et que cet état de fait engendre des problèmes éducatifs.
Prenons le cas précis du Maroc. L’école rencontre bien des problèmes notamment en ce qui concerne l’échec scolaire. On sait maintenant que ces problèmes ne sont pas seulement d’ordre économique, comme il a été souvent dit, mais aussi culturel.
Peut-on pour autant affirmer que la solution réside dans une éducation interculturelle telle qu’elle a été développée en Europe ?
En amont de cette question il faut se demander si la société marocaine est «multiculturelle ? » D’un point de vue sociologique la société marocaine est «composite» comme dirait M. Guessous, ce qui voudrait dire que différentes «cultures» coexistent en son sein. Le sens que prend le mot culture ici est différent du sens anthropologique du mot. Il s’agit plutôt de » sous cultures » que de cultures différentes comme en Occident ou dans des pays du tiers monde comme l’Inde.
Le Maroc ‘‘se présente’’ (discours dominant) comme couvrant un espace culturel plus ou moins homogène, faisant partie du monde (aux contours mal définis) «arabo-musulman». La réalité est en fait plus complexe.
D’un point de vue historique, le fondement de la culture marocaine est varié et multiple, à tel point qu’il serait plus approprié de parler, non pas d’une culture marocaine, mais des cultures marocaines. Cette vérité historique n’est pas toujours reconnue.
Brouillée par une pratique historique scientifiquement contestable, la question de la pluralité des cultures au Maroc, comme dans tout le Maghreb, reste délicate. Le Maroc, dans la logique de combat pour l’indépendance, a connu «deux dogmatismes opposés et successifs : celui de la «science coloniale» et celui de la «science nationale»» (ARKOUN 1991, 48). M. Arkoun pense que cette raison historique a empêché une lecture sereine de l’histoire du Maghreb. Ce qui a entraîné la neutralisation de la pluralité des cultures maghrébines.
Deux sources majeures des cultures maghrébines ont été ainsi oubliées : «»l’aire méditerranéenne» et la «civilisation du désert»»[2] . C’est dans ce cadre qu’une relecture de l’histoire du Maghreb s’impose.Une éducation interculturelle au Maroc ? Parce que l’éducation interculturelle a vu le jour en Occident pour des raisons précises (pluralité culturelle des sociétés occidentales), il est légitime de se demander si un tel concept est valable pour les pays du tiers-monde. Deux raisons doivent être pour cela remplies.
– Il faut que l’école dans ces pays soit confrontée à un problème sinon semblable du moins entrant dans le cadre de la problématique de l’échec (dans le sens large du terme).
– Il faut ensuite que les raisons de cet échec soient d’ordre socioculturel. En un mot, il faut que la société soit multiculturelle et que cet état de fait engendre des problèmes éducatifs.
Prenons le cas précis du Maroc. L’école rencontre bien des problèmes notamment en ce qui concerne l’échec scolaire. On sait maintenant que ces problèmes ne sont pas seulement d’ordre économique, comme il a été souvent dit, mais aussi culturel.
Peut-on pour autant affirmer que la solution réside dans une éducation interculturelle telle qu’elle a été développée en Europe ? En amont de cette question il faut se demander si la société marocaine est «multiculturelle ? » D’un point de vue sociologique la société marocaine est «composite» comme dirait M. Guessous, ce qui voudrait dire que différentes «cultures» coexistent en son sein. Le sens que prend le mot culture ici est différent du sens anthropologique du mot. Il s’agit plutôt de » sous cultures » que de cultures différentes comme en Occident ou dans des pays du tiers monde comme l’Inde.
Le Maroc ‘‘se présente’’ (discours dominant) comme couvrant un espace culturel plus ou moins homogène, faisant partie du monde (aux contours mal définis) «arabo-musulman». La réalité est en fait plus complexe. D’un point de vue historique, le fondement de la culture marocaine est varié et multiple, à tel point qu’il serait plus approprié de parler, non pas d’une culture marocaine, mais des cultures marocaines. Cette vérité historique n’est pas toujours reconnue.
Brouillée par une pratique historique scientifiquement contestable, la question de la pluralité des cultures au Maroc, comme dans tout le Maghreb, reste délicate. Le Maroc, dans la logique de combat pour l’indépendance, a connu «deux dogmatismes opposés et successifs : celui de la «science coloniale» et celui de la «science nationale»» (ARKOUN 1991, 48). M. Arkoun pense que cette raison historique a empêché une lecture sereine de l’histoire du Maghreb. Ce qui a entraîné la neutralisation de la pluralité des cultures maghrébines. Deux sources majeures des cultures maghrébines ont été ainsi oubliées : «»l’aire méditerranéenne» et la «civilisation du désert»»[2] . C’est dans ce cadre qu’une relecture de l’histoire du Maghreb s’impose.