Entre les murs
Un film de Laurent Cantet
Scénario Laurent Cantet, François Bégaudeau, Robin Campillo.
Librement inspiré de l’ouvrage «Entre les murs» de François Bégaudeau (Editions Gallimard, Verticales 2006).
Image Pierre Milon.
Montage Robin Campillo.
Son Olivier Mauvezin, Agnès Ravez, Jean-Pierre Laforce. Costumes Marie Le Garrec.
François est un jeune professeur de français d’une classe de 4ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter Esméralda, Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes verbales, comme si la langue elle-même était un véritable enjeu.
Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques.
Entre les murs éclaire ce mystère en mettant les outils de l’expérience directe au service de la fiction. Cette greffe est rendue possible par l’existence d’un individu qui occupe une multiplicité de positions au centre du film : François Bégaudeau en est à la fois le sujet (il a été professeur), l’inspirateur (il a écrit un roman tiré de son expérience d’enseignant), le coscénariste (avec Laurent Cantet et Robin Campillo) et l’interprète principal.
Entre les murs ne sort jamais de l’enceinte d’un collège du 20e arrondissement de Paris. François Marin (Bégaudeau) y enseigne le français. Le parti pris est de ne montrer qu’une seule des classes de l’enseignant, une quatrième, de septembre à juin. L’essentiel du film est consacré à des cours qui prennent un tour comique, violent ou polémique (Entre les murs fait abstraction d’une des composantes essentielles de la vie scolaire : l’ennui). Ces heures de classe sont ponctuées de réunions (de conseils de classe, entre professeurs, entre enseignants et parents).
Dans ce film sans acteurs professionnels, tout le monde joue très appuyé. Monsieur Marin veut à la fois séduire et en imposer, et se sert à loisir d’une ironie parfois cruelle pour amuser et tenir à distance ses élèves. A ce «jambon-beurre» narquois, ces derniers, en majorité issus de l’immigration opposent le langage de la rue – les mots, les gestes, les vêtements. A chaque séquence consacrée à un cours, le suspense est le même : le dialogue va-t-il s’engager ? La réponse n’est jamais identique. Sans donner la sensation de passer en revue les pièges que doivent affronter enseignants et enseignés, le film couvre en deux heures le très long cours du fossé qui sépare François Marin de ses élèves.
GENTIL, PAS GENTIL
Parmi eux, le scénario privilégie une poignée de premiers rôles. Ceux-ci correspondent à la typologie que tout usager des bancs de l’école connaît bien : la bonne élève, le peut-mieux-faire, le réfractaire. Au début du film, on voit d’ailleurs un professeur qui enseigne depuis longtemps dans le collège passer en revue l’effectif d’une classe, au profit d’un collègue nouvellement arrivé. A chaque nom correspond déjà une appréciation : gentil, pas gentil, s’en méfier…
Cantet et Bégaudeau font travailler à plein les contradictions de l’école en France : le souci de ne pas exclure et la volonté de maintenir la discipline ; la reconnaissance de la diversité et l’enseignement d’une culture unique…
Progressivement, le film se cristallise autour d’une affaire qui oppose François Marin à sa classe. Le professeur paie chèrement une erreur d’appréciation commise pendant un conseil de classe. De malentendus en raidissements, il se met à dos des élèves que l’on aurait crus ralliés à la cause de l’école. Ce conflit culmine en un conseil de discipline déchirant, pendant lequel une mère qui ne parle pas le français, à qui l’on ne traduit rien, voit son fils traduit en justice. Le goût amer que laisse cet épisode achève la construction d’Entre les murs, qui, plutôt qu’un plaidoyer, offre un constat lucide sur une école menacée. Contrairement à leurs jeunes personnages, Cantet et Bégaudeau n’auraient pas pu mieux faire.