L’enseignement d’une matière intégré à une langue étrangère (EMILE) à l’école en Europe
Eurydice, le réseau d’information sur l’éducation en Europe
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Ce document est publié par l’unité européenne d’Eurydice avec le financement de la Commission européenne (Direction générale de l’éducation et de la culture).
Disponible en anglais (Content and Language Integrated Learning (CLIL) at School in Europe) et en français (L’enseignement d’une matière intégré à une langue étrangère (EMILE) à l’école en Europe).
ISBN 92-79-00581-2
Ce document est également disponible sur Internet (https://www.eurydice.org).
Finalisation de la rédaction : novembre 2005.
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PRÉFACE
Le multilinguisme est au coeur de l’identité européenne, puisque les langues sont un aspect fondamental de l’identité culturelle de chaque européen. Pour cette raison, le multilinguisme est explicitement mentionné – pour la première fois – dans l’intitulé du portefeuille d’un Commissaire. J’ai l’honneur d’être ce Commissaire.
Tout juste un an après le début de son mandat, la Commission a ainsi adopté sa première Communication sur le Multilinguisme. Le nouveau cadre stratégique pour le multilinguisme fait le point de la situation, en partant des conclusions du Sommet européen de Barcelone en mars 2002, qui a donné une forte impulsion à l’apprentissage des langues et au maintien de la diversité linguistique en Europe, en passant par les actions entreprises au niveau européen et en proposant une série d’initiatives dans les domaines social, économique et des relations avec les citoyens.
Dans ce cadre, la question de l’enseignement intégré d’un contenu et d’une langue (appelé EMILE – Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Étrangère) est parmi les exemples cités et revêt un intérêt particulier, déjà évoqué dans le Plan d’action 2004-2006 de la Commission pour promouvoir l’apprentissage des langues et la diversité linguistique. Grâce à ce type d’enseignement, les élèves apprennent des matières du programme d’études en même temps qu’ils mettent en pratique et améliorent leurs compétences linguistiques. Disciplines et langues s’allient pour mieux préparer les élèves dans une Europe où la mobilité devient une réalité croissante – et devrait devenir une opportunité pour tous.
Cette enquête d’Eurydice répond très clairement à mon souhait de disposer d’un premier aperçu européen concernant l’enseignement intégré d’un contenu et d’une langue. Elle permet de mesurer les efforts entrepris à tous les niveaux pour promouvoir les nouvelles méthodologies dans l’apprentissage des langues.
Elle offre une analyse détaillée de l’organisation pédagogique de l’enseignement EMILE, du statut des langues cibles, des matières du programme d’études concernées, ainsi que des mesures prises dans la formation et le recrutement des enseignants dont la pénurie est indiquée comme un des obstacles principaux à la mise en place de ce type d’enseignement.
Cet état des lieux original et très riche représente, sans aucun doute, un ouvrage de référence indispensable sur le sujet. Je vous en souhaite une lecture enrichissante.
Ján Figel
Commissaire en charge de l’éducation, de la formation, de la culture et du multilinguisme.
INTRODUCTION
Depuis plusieurs décennies, des établissements scolaires proposant l’enseignement de certaines matières du programme d’études dans une langue étrangère, régionale ou minoritaire existent en Europe.
Avant les années 1970, ce type d’enseignement était principalement offert dans les régions présentant un profil linguistique particulier (régions frontalières, bilingues, etc.) ou dans les grandes métropoles. Il concernait donc un nombre très restreint d’élèves évoluant dans des contextes linguistiques et/ou sociaux particuliers. L’objectif était d’en faire des enfants bilingues, c’est-à-dire de leur permettre d’acquérir des compétences linguistiques proches de celles dont disposent les locuteurs natifs. Les termes généralement employés pour désigner ce type d’enseignement sont d’ailleurs école, éducation ou enseignement bilingue.
Au cours des années 1970 et 1980, le développement de cet enseignement est particulièrement influencé par l’expérience canadienne d’enseignement en immersion. À l’origine de cette initiative se trouvent des parents anglophones, habitant dans la province du Québec.
Ils considèrent qu’une bonne connaissance du français est indispensable dans un environnement francophone. Par conséquent, ils souhaitent offrir à leurs enfants un enseignement dans cette langue qui débouche sur l’acquisition de compétences linguistiques tangibles.
Les programmes d’enseignement en immersion ont eu énormément de succès au Canada. Le soutien des autorités éducatives ainsi que l’implication des parents constituent assurément des facteurs importants de réussite. Ces projets ont donné lieu à de nombreuses recherches intéressantes, particulièrement du point de vue didactique. S’il est progressivement devenu clair que l’expérience canadienne ne pouvait être directement transposée en Europe, elle a toutefois eu le mérite de stimuler les recherches en la matière et de favoriser la mise en place d’expériences très diverses.
L’organisation d’un enseignement en immersion présente de très nombreuses modalités. L’immersion est considérée comme précoce ou tardive selon l’âge des enfants auxquels elle s’adresse. Elle peut être totale si l’ensemble du programme d’études est enseigné dans la langue dite cible ou partielle si cette dernière est utilisée comme langue d’instruction pour certaines matières uniquement. Ces différentes modalités répondent à la richesse des contextes linguistiques et éducationnels ainsi qu’aux aspirations et objectifs divers des élèves, des parents et des autorités éducatives.
L’acronyme EMILE (Enseignement d’une Matière Intégré à une Langue Étrangère) commence à s’imposer au cours des années 1990. Il véhicule une approche méthodologique innovante qui va bien au-delà de l’enseignement des langues. En effet, ses promoteurs mettent l’accent sur le fait que la langue et la matière non linguistique sont toutes deux objets d’enseignement, sans qu’il n’y ait de préséance de l’une par rapport à l’autre. Par ailleurs, la réalisation de ce double objectif exige la mise en place d’une approche particulière de l’enseignement : l’apprentissage de la matière non linguistique se fait non pas dans une langue étrangère, mais avec et à travers une langue étrangère. Il implique donc une approche plus intégrée de l’enseignement. Il exige ainsi des enseignants une réflexion spécifique non plus sur l’enseignement des langues uniquement, mais sur le processus d’enseignement en général.
Au-delà de ces particularités, l’enseignement EMILE partage avec les autres formes d’enseignement bilingue ou en immersion certaines caractéristiques que de nombreux experts aiment à souligner. Sur le plan organisationnel, il permet en effet de proposer un enseignement relativement intensif des langues sans que celles-ci n’occupent une trop grande place, en termes d’heures, dans le programme d’études.
Par ailleurs, il se base sur certains principes méthodologiques particulièrement importants selon la recherche en didactique des langues étrangères, comme par exemple la nécessité pour l’apprenant d’être placé dans une situation de communication authentique.
Dans le cadre de cette enquête, l’acronyme EMILE est utilisé comme un terme générique pour désigner tous les types d’enseignement où une deuxième langue (langue étrangère, régionale ou minoritaire et/ou autre langue officielle d’État) est utilisée pour enseigner certaines matières du programme d’études en dehors des cours de langues eux-mêmes. Il est toutefois important de garder à l’esprit que l’enseignement de type EMILE s’insère lui-même dans une histoire, brossée à gros traits dans cette introduction, et qu’à ce titre, il possède des spécificités méthodologiques et organisationnelles. Un tableau reprenant les termes et expressions utilisés dans les différents pays pour désigner l’enseignement de type EMILE, tel qu’il est examiné dans cette enquête, se trouve dans l’annexe 1.
Initiatives communautaires L’enseignement des langues a, depuis de nombreuses années déjà, une place bien établie dans les recommandations communautaires en matière d’éducation (1).
La promotion de la diversité linguistique dans l’éducation et la formation a toujours été considérée comme un facteur important pour la réussite du projet européen. Néanmoins, il faut attendre les années 1990 pour que la réflexion des instances communautaires en matière d’apprentissage des langues aboutisse sur la nécessité d’explorer des méthodes pédagogiques innovantes, dont le programme Lingua (2) se fera écho en proclamant l’intérêt de « promouvoir l’innovation dans les méthodes de formation en langues étrangères ».
Dans ce contexte, plusieurs initiatives ont été lancées par l’Union européenne dans le domaine de l’enseignement d’une matière intégré à une langue étrangère, avec son acronyme EMILE. Un des premiers textes incontournables dans la coopération européenne en matière d’EMILE est la Résolution du Conseil de 1995 (3). Elle fait allusion à la promotion de méthodes innovantes et, notamment, à « l’enseignement, dans une langue étrangère, de disciplines autres que les langues dans des classes assurant un enseignement bilingue ». Elle propose également d’améliorer la qualité des formations dispensées aux enseignants de langues « en favorisant l’envoi dans les États membres et l’accueil dans les établissements scolaires d’étudiants de l’enseignement supérieur en qualité d’assistants de langues, en s’efforçant de privilégier les futurs enseignants de langues ou ceux appelés à enseigner leur discipline dans une langue autre que la leur ». Cette même année, dans son Livre blanc sur l’éducation et la formation (Enseigner et apprendre – Vers la société cognitive), la Commission européenne mettait l’accent sur les idées novatrices et sur les pratiques les plus efficaces pour aider tous les citoyens de l’Union européenne à maîtriser trois langues européennes. Parmi ces idées, la Commission manifeste qu’« il conviendrait même que, comme dans les Écoles européennes, la première langue étrangère apprise devienne la langue d’enseignement de certaines matières dans le secondaire » (4).
Les programmes européens dans le domaine de l’éducation et la formation ont eu également un rôle catalyseur dans le développement des approches différentes dans l’enseignement des langues. Ainsi, des actions encadrées dans la deuxième phase du Programme Socrates (2000-2006) (5) ont été établies en faveur de l’enseignement de type EMILE. Dans le programme Comenius, des aides financières sont prévues pour des actions de mobilité ciblant des « enseignants d’autres disciplines devant ou souhaitant enseigner dans une langue étrangère ». Dans le cadre du programme Erasmus, également, des financements peuvent être accordés pour « l’élaboration et la mise en oeuvre conjointes de programmes d’études, de modules, de cours intensifs ou d’autres activités dans le domaine de l’enseignement, notamment des activités pluridisciplinaires et l’enseignement de certaines disciplines dans d’autres langues ».
En 2001, l’Année européenne des langues a certainement servi à mettre en évidence que la promotion de l’apprentissage des langues et de la diversité linguistique peut être réalisée par une multiplicité d’approches, dont l’enseignement de type EMILE. En mars 2002, le Conseil européen de Barcelone a voulu donner une forte impulsion à l’apprentissage des langues en demandant aux États membres et à la Commission européenne de faire en sorte qu’au moins deux langues étrangères soient enseignées dès le plus jeune âge. Suite à cette demande (ainsi qu’à celle du Conseil d’éducation de février), la Commission a lancé en 2003 son « Plan d’action 2004-2006 » (6). Dans ce plan, l’enseignement EMILE est cité comme ayant « une contribution majeure à apporter à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en termes d’apprentissage des langues ». Une série d’actions a été prévue pour promouvoir l’apprentissage intégré d’un contenu et d’une langue, dont la présente enquête d’Eurydice.
Lors du Conseil d’éducation de mai 2005, la présidence luxembourgeoise a informé des résultats du symposium qui, sous le titre « L’évolution de l’enseignement en Europe – Le plurilinguisme ouvre de nouvelles perspectives », s’est tenu au Luxembourg en mars de cette même année. Parmi les principales conclusions, la nécessité de faire participer les apprenants à l’enseignement EMILE aux différents niveaux de leur parcours scolaire a été soulignée ainsi que celle d’encourager les enseignants à suivre une formation spécifique à EMILE.
Enfin, d’autres initiatives soutenant des approches de type EMILE peuvent être mentionnées : le Label européen pour des initiatives innovantes en matière d’enseignement et d’apprentissage des langues (attribué pour la première fois en 1998) ainsi que le réseau européen EuroCLIC (Classes Intégrant Langue et Contenu), composé d’enseignants, de chercheurs, de formateurs ainsi que d’autres acteurs intéressés par la mise en pratique de l’enseignement EMILE et cofinancé par la Commission européenne depuis 1996.
Le débat communautaire sur l’enseignement EMILE est loin d’être clos. De nouvelles actions de promotion de cette approche méthodologique, encore novatrice, seront entamées dans les années à venir, probablement dans le cadre de la prochaine génération de programmes en matière d’éducation et de formation (2007-2013). Les réflexions des experts nationaux au sein du Groupe sur les langues (constitué dans le contexte du programme de travail « Éducation et Formation 2010 ») ainsi que la diffusion des bonnes pratiques sur l’EMILE dans les États membres contribueront certainement à son développement.
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